Re: RAPPEL: 22e Rencontre ACCQ
Posté par Jacdesterres le 10/12/2009 05:11:14
Voici le texte de M. Gilles Derome en date du 25 novembre 2009.
Des pots et des hommes
Les hommes sont faits d'argiles. Un homme et un pot sont une seule et même chose. Quand vous aurez compris la poterie, vous aurez compris les hommes. On dit d’un pot ou d’une femme qu'ils ont un beau pied, un beau cou ou encore de belles lèvres. On parle de la panse d'un homme et de celle d'un pot. Ils ont parfois une gueule ou un bec. L'Anglais qualifie celui qui ne tourne pas rond d'excentrique, de crack-pot et tous ces pots ne sont pas «centrés» de la même façon. Les verres à boire le vin sont eux-mêmes rarement centrés. Le potier par formation ou déformation, lorsqu'il se met à table, le vérifie. Les hommes et les pots peuvent être insupportables. Plusieurs brillent au salon, plusieurs se rendent indispensables à la cuisine. D'autres n’ont de beau que I'habit ou la glaçure. Elles peuvent être mates ou brillantes, lisses ou granuleuses. II y a des pots sonores qui tintent comme des cloches, d'autres silencieux qui en suintant gardent les eaux fraîches, par évaporation. On distingue les mous et les compliqués, les bruts et les délicats, les cérébraux et les sensuels. Quelques-uns devront être plus consciencieusement tournasés s’ils veulent survivre. Au moment du tournage naissent les forces qui entourent et poussent vers le haut, un vide, et ce vide qui n'a pas encore son pied, a besoin d’être séparé du sol, par I'opération tournasage, s'il veut prendre son envol. Les lignes qui expriment le mieux le pot sont les lignes qui disent I'horizontale répétait le potier Leach. Le tournage se fait avec les mains, Ia terre s'évade, s’évase, s'étale, se creuse, se serre, se palpe, monte. Au moment du tournasage, le vide qui commence à durcir se retourne et se circonscrit. Il se détache de tout ce qu'il n'est pas, il se précise. Celui qui tournase ne fait qu'obéir, fidèle à la ligne intérieure. A I'extérieur seules comptent les horizontales. Si le potier en enlève trop ou pas assez, il tue. Tournaser se fait avec un outil sur une terre "cuir" demi-dur. Tourner satisfait le désir, tournaser parfait Ia forme, la rend apte à son propre bonheur. Les pots comme les fromages s’affinent par le cœur. Le vase s’ouvre sous les fleurs, le bol se coule dans la main, le plat offre, la cruche garde. Un simple bol à thé peut devenir un très rare chef-d’œuvre. Un ami très cher ne fréquente pas nécessairement les musées. Les pots ont de longues histoires à raconter. De longs récits, de terres, de cendres, de roches, à faire. De longues légendes de vents, d’eaux, de feux et de pierres précieuses, à dire Les pots sincères ne sont pas tous jolis les amis vrais sont parfois mal tournés, les pots eux aussi sont faits d'argiles.
Des pots et des hommes
Les hommes sont faits d'argiles. Un homme et un pot sont une seule et même chose. Quand vous aurez compris la poterie, vous aurez compris les hommes. On dit d’un pot ou d’une femme qu'ils ont un beau pied, un beau cou ou encore de belles lèvres. On parle de la panse d'un homme et de celle d'un pot. Ils ont parfois une gueule ou un bec. L'Anglais qualifie celui qui ne tourne pas rond d'excentrique, de crack-pot et tous ces pots ne sont pas «centrés» de la même façon. Les verres à boire le vin sont eux-mêmes rarement centrés. Le potier par formation ou déformation, lorsqu'il se met à table, le vérifie. Les hommes et les pots peuvent être insupportables. Plusieurs brillent au salon, plusieurs se rendent indispensables à la cuisine. D'autres n’ont de beau que I'habit ou la glaçure. Elles peuvent être mates ou brillantes, lisses ou granuleuses. II y a des pots sonores qui tintent comme des cloches, d'autres silencieux qui en suintant gardent les eaux fraîches, par évaporation. On distingue les mous et les compliqués, les bruts et les délicats, les cérébraux et les sensuels. Quelques-uns devront être plus consciencieusement tournasés s’ils veulent survivre. Au moment du tournage naissent les forces qui entourent et poussent vers le haut, un vide, et ce vide qui n'a pas encore son pied, a besoin d’être séparé du sol, par I'opération tournasage, s'il veut prendre son envol. Les lignes qui expriment le mieux le pot sont les lignes qui disent I'horizontale répétait le potier Leach. Le tournage se fait avec les mains, Ia terre s'évade, s’évase, s'étale, se creuse, se serre, se palpe, monte. Au moment du tournasage, le vide qui commence à durcir se retourne et se circonscrit. Il se détache de tout ce qu'il n'est pas, il se précise. Celui qui tournase ne fait qu'obéir, fidèle à la ligne intérieure. A I'extérieur seules comptent les horizontales. Si le potier en enlève trop ou pas assez, il tue. Tournaser se fait avec un outil sur une terre "cuir" demi-dur. Tourner satisfait le désir, tournaser parfait Ia forme, la rend apte à son propre bonheur. Les pots comme les fromages s’affinent par le cœur. Le vase s’ouvre sous les fleurs, le bol se coule dans la main, le plat offre, la cruche garde. Un simple bol à thé peut devenir un très rare chef-d’œuvre. Un ami très cher ne fréquente pas nécessairement les musées. Les pots ont de longues histoires à raconter. De longs récits, de terres, de cendres, de roches, à faire. De longues légendes de vents, d’eaux, de feux et de pierres précieuses, à dire Les pots sincères ne sont pas tous jolis les amis vrais sont parfois mal tournés, les pots eux aussi sont faits d'argiles.
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